Edito du mercredi 30 mai 2007

par Kevin

Quête du temps qui passe, sans que rien ne bouge.  - 22.7 ko
Quête du temps qui passe, sans que rien ne bouge.

En dialogue constant avec le cinéma américain des années 70 dont il tire toutes les thématiques et les traite une à une sans la moindre concession, Zodiac est un film sur la Mort. En perpétuelle quête de justice et de vérité (comprendre : de sens), les personnages s’éteignent peu à peu pour au final n’aboutir qu’à un profond constat d’échec. L’échec, grand thème du cinéma américain, c’est cette perte de vitesse et de mouvement, malgré les trajectoires que l’on prend.

C’est cette fuite éperdue et forcenée qui n’arrive jamais à s’échapper d’un constat cuisant : celui de l’immobilité. Recherche obsessionnelle, bien sûr, qui mène à la surinterprétation, au fantasme. Film d’investigation façon Les hommes du président, mais aussi film policier et bien sûr film fantastique. Le fantasme du spectateur est à l’image de cette fascination pour l’Homme chasseur d’hommes qu’a le spectateur depuis Seven, dont Fincher se moque un peu (la scène la plus "stylée", lors de la visite de l’ "homme aux bobines" semble plus s’apparenter à un ersatz pathétique et lointain de Nosferatu, le vampire plutôt qu’à une figure vraiment terrifiante). Là où Fincher se servait des codes de l’Horreur et du Fantastique pour distiller une atmosphère glauque et porter aux nues la figure d’un tueur surhumain et mystique dans Seven (comprendre : le tueur, c’est Dieu), c’est à la quête du visage de la Mort qu’il s’attaque. En ce sens, Zodiac est le parfait jumeau du film magistral de Bong Joon Ho, Memories of murder.

C’est donc à une annihilation des codes spatio-temporels que le cinéaste s’attelle. Les lieux et les époques s’accumulent de manière indifférente, formant un socle compact dans lequel on se perd. On ne bouge plus. On ne sait plus si l’on est à Riverside, Washington Street, en 1969, en 1979... Tout est immobile, sans espoir de mouvement et de vie. A l’image d’un Jake Gyllenhaal qui ne vieillit jamais -car toujours actif, contrairement aux autres-, le spectateur est amené à se confronter à Hollywood, machine à fantasmes, et donc à Sueurs froides, qui constitue clairement la seconde clé de voûte du discours scénique. D’abord par l’utilisation brillante de San Francisco comme personnage à part entière, puis par la proposition répétée plusieurs fois dans le film de se servir de son imagination. Fantasmer pour mieux se rapprocher de la réalité. A ce stade, Fincher comprend parfaitement la problématique du cinéma des années 70 et la réinstalle au coeur du dispositif de mise en scène hollywoodien actuel (là où un film comme Syriana ne faisait qu’effleurer le potentiel narratif du film-dossier et faisait preuve de naïveté) et convoque à la fois Sueurs froides et Révélations.

C’est d’ailleurs l’unique reproche à faire au film de Fincher : Michael Mann a déjà tout dit il y a sept ans avec Révélations. La vérité n’est plus à chercher, car tout le monde la connaît (le tueur est L...). Reste à combattre le système de l’intérieur, échapper à toute marginalisation. Zodiac pourrait bien être le meilleur film hollywoodien de l’année 2007.